L'âme des objets
Jacques Defaut, spécialiste de la poupée ancienne, restaurateur et expert du conservatoire des musées, des commissaires priseurs et des compagnies d’assurance, nous ouvre les portes de son atelier et nous livre quelques secrets de fabrication.
En poussant la porte de son atelier de Villeurbanne, au son d'une vielle radio, enivré d'une forte odeur de pipe, je découvre de toutes parts, des corps démembrées et des têtes de poupées coupées en deux qui ornent en nombre des étagères, des plans de travail et des caisses déposées au sol.
Face à moi, un artisan passionné et cultivé qui partage avec plaisir ce métier hors du commun.
D'une voix calme et tout en travaillant, il m'explique ses débuts.
Directeur commercial pour une société de bijoux et d’horlogerie de luxe, depuis toujours animé par la passion du modélisme, il se dirige tout naturellement vers la restauration des poupées anciennes, lorsque plusieurs clients du magasin d’art de sa femme cherchent un restaurateur.
En parallèle de son emploi, il apprend le métier en s'exerçant sur des poupées ayant appartenu à sa mère et sur quelques modèles achetés aux enchères. Autodidacte, il se documente sur son domaine. Plus tard, il suit des stages répétés en Allemagne, sur l’élaboration du biscuit de céramique. Suite à la fermeture de la société de bijoux, il ouvre son premier atelier.
Des poupées très prisées
Dans la seconde moitié du XIX ème siècle elles ont une influence primordiale sur la mode. Les poupées en cuir, par leur facilité de transport et leurs proportions, servent aux couturiers à présenter leurs modèles de vêtements.
Les poupées de porcelaine, sont autrement destinées aux enfants de familles très riches, qui jouent à effectuer des mises en situation en présence d’un adulte.
Aujourd'hui, recherchées par les collectionneurs, certaines de ces poupées sont rares et peuvent valoir très cher.
Des têtes en biscuit de porcelaine
Lorsque Jacques Defaut me conduit dans la pièce de moulage des têtes je découvre que l'élaboration est bien complexe, qu'elle requiert patience, savoir faire et précision.
Le biscuit de céramique est élaboré à partir de deux terres (Kaolin et Feldspath), dont le mélange a été élaboré en présence de spécialistes afin de déterminer le dosage précis nécessaire à la fabrication de têtes suffisamment fines et solides. Biscuit signifie que la pièce est cuite deux fois.
Cette pâte est alors filtrée puis déversée en une seule fois dans les moules, cette action permet une homogénéité parfaite.
Il m'explique : "Le moule est en plâtre, cette matière permet d’absorber l’eau de cette pâte et ainsi, par capillarité, venir la coller aux bords intérieurs du moule."
Puis, le moule repose à l’envers un certain temps et le trop plein continu de se déverser.
Au démoulage, l’artisan entame les premières retouches : il forme les trous pour les yeux, l'arrière de la tête, les boucles d’oreilles et la bouche et affine les narines.
Ensuite, sur terre sèche, il découpe les dents, et ponce les marques du moule.
Intervient alors une première cuisson à 800 °C.
Après celle-ci, on obtient une faïence fragile mais encore malléable.
A ce moment l’artisan effectue les retouches de précision : il se sert d’outils en bois pour préparer l’emplacement des yeux, et polit l’ensemble.
Puis, c'est au tour de la seconde cuisson, cette fois à 1300°C. La tête réduit de 20% et l’on obtient une pièce de biscuit de céramique très dure.
Une lente mise en couleur
Les teintes des visages des poupées sont obtenues grâce à des pigments minéraux en poudre.
Pour appliquer ces pigments, il les mélange tout d'abord avec un médium (eau sucrée ou huile) adapté au type de résultat qu'il veut obtenir.
Puis, les dépose avec dextérité en usant de pinceaux et d'éponges et les uniformise au blaireau.
Pour cette opération, patience est de mise.
En effet, entre chaque couche, il faut fixer le pigment en effectuant une cuisson à 800°C, ce qui rend l’opération très longue.
Ultimes arrangements
Débute alors un choix méticuleux de couleur et de taille d'yeux. Une fois choisi, il créé l'orientation du regard en les calant avec de la cire avant les fixer définitivement au plâtre.
Enfin, une calotte de liège vient recouvrir la tête. C'est sur cette calotte que les cheveux reposent.
Le corps des poupées, quant à lui, est issu de papier mâché moulé, sur certains modèles (Poupées parisiennes ou poupées de mode) il est réalisé en cuir avec l’aide d’une couturière.
Jacques Defaut | Polissage | |
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Ici, dans le four, les têtes en place sur une pièce ronde de faïence au même stade de cuisson, entre celles ci, une couche de poudre de pierre qui ne réagit pas à la chaleur, ce procédé permet le glissement de l'ensemble lors de la rétraction et évite les risques d'explosion. | Remplissage moule | |
Environ dix minutes après coulage, afin d’obtenir une tête creuse, il faut vider le trop plein, pour se faire, l’artisan plante une paille dans la pâte et renverse le moule en soufflant dedans. | Au fond de l'atelier, des moules correspondants chacun, à un modèle de poupée. | |
Le démoulage, s'effectue avec grande délicatesse, en effet, la pièce est démoulée encore tendre et humide. | Découpe yeux | Affinage bouche |
Outils en bois | Peinture sourcils | Peinture joues |
Four spécifique adapté au type de cuisson. | Puisque les teintes changent avec la cuisson, il est important de se baser sur des valeurs de couleurs cuites. | Pinceaux |
Positionnement des yeux | Calote de tête | Bébé jumeau triste |
Poupées parisiennes | Googlies | Bleuettes |